Reprendre des terres à plusieurs pour restaurer la biodiversité

Faire du maraichage sur petite surface en pleine Lorraine céréalière ça demandait une bonne dose de détermination et d’engagement. Ce n’est pas ce qui manque aux deux frères, « il faut partir avec 300% de motivation pour être sur de tenir. » nous confient-ils.

« Après notre BPREA, on a fait le pas. J’ai choisi de m’installer avec Nicolas par acte de militance, pour préserver la nature, par goût pour le travail manuel et pour être mon propre patron. » Samuel

« On voulait atteindre l’autonomie alimentaire dans un espace clair et clean. » Nicolas

Installés depuis 2011 sur 2,2 ha en propriété repris de leur père puis 15ha en 2020, le choix de l’activité maraichère et des fruits  s’est fait car c’est une activité pour laquelle il n’y a pas besoin de beaucoup de matériel. Ils pouvaient sortir une production rapidement. « On s’est aussi mis à produire de l’orge brassicole pour un brasseur du coin, à produire du foin et à prêter des pâtures pour un éleveur ovin de Thônes et Marthod (une race protégée de la bien-nommée vallée des Alpes). » nous racontent Samuel et Nicolas.

Ils travaillent sur des petites surfaces (1,5 ha par actif) avec un capital de départ faible. Les interventions sur les parcelles sont réalisées avec de la mécanique légère : motoculteur, petit tracteur, etc. Avec leur type de sol de terre lourde, il serait intéressant de faire du maraichage sur sol vivant mais pour l’instant le principal frein est le manque de matière carbonée.

Ils se sont adaptés aux ressources du territoire en essayant de combiner restauration de la biodiversité et viabilité de l’activité. Avec des terres et pas de paille à disposition, il fallait trouver des alternatives et optimiser. Ils ont dont eu l’idée de planter des saules pour pouvoir produire du BRF et ainsi couvrir leurs planches de légumes.

Et petit à petit, la biodiversité s’est installée au milieu de leurs cultures. Ils ont planté des haies, des arbres fruitiers, de la consoude, des pieds de vigne et ont implanté les serres. Au final, 1ha de surface représente  si on compte l’espace occupé par les haies, les arbres fruitiers et quelques mares.

Leur rêve au départ était de s’installer en collectif mais 2 personnes ont décidé de quitter l’aventure pour en démarrer une autre sur un autre territoire ou par désillusion de l’activité agricole. « S’installer à plusieurs ce n’est pas si simple. » nous disent-ils.

Une quête d’équilibre à long terme

Samuel et Nicolas se sont installés sans aides mais aussi sans emprunts, en cherchant à adapter leur temps de travail et leurs productions pour optimiser la valeur ajoutée.

A leur installation, trouver une clientèle qui cherche des légumes locaux et biologiques n’était pas une mince affaire. Après 10 ans de vente sur 4 AMAP (avec 100 paniers) et ailleurs, ils ont désormais trouvé leur clientèle et peuvent tout vendre sur les marchés, les magasins de producteurs, les drives fermiers ou par mail. Cela leur permet d’optimiser leur temps de travail en faisant une grosse récolte par semaine et de dédier une seule journée à la vente. En quittant les AMAP, ils ont pu se focaliser sur des productions spécifiques plus adaptées à la qualité de leurs terres : comme les légumes racines ou les cucurbitacées.

Côté mécanisation, ils s’inspirent des travaux de l’Atelier paysan (https://www.latelierpaysan.org/ ) pour être autonomes dans la construction et l’entretien de leur outils de travail. Ils recherchent au maximum l’autonomie en semences. Ils produisent leurs semences de maïs et de légumineuses mais se fournissent quand même en grande partie chez des semenciers bio et en biodynamie (Sativa et Graines del pais) car le métier de grainetier en maraichage est très complexe.

L’importance d’être bien accompagné

L’activité maraichère en Lorraine s’est beaucoup perdue. « On est passés d’une centaine de maraichers il y a 50 ans autour de Nancy à une dizaine aujourd’hui dans le sud-Meuse. La plupart sont des personnes non issues du milieu agricole, en reconversion professionnelle et mise au vert.» nous dit Samuel

Ils ont fait partie du groupement MAPS (Maraichage en Autonomie sur Petite Surface) avec lequel ils ont inventé le « Charimaraich ». Un charriot enjambeur de 120cm de large qui sert d’outil polyvalent pour faciliter les interventions manuelles sur les planches implantées sous serres et en plein champ. Cette auto-construction a été accompagnée par le groupe de l’Atelier paysan.

Avec Bio en Grand Est, ils suivent des journées de formation où ils échangent sur leurs pratiques et sur les difficultés rencontrées et font des commandes groupées.

Pour préserver les structures installées et valoriser la biodiversité retrouvée, ils ont signé un contrat ORE (Obligation Réelle Environnementale) avec l’association LOANA (Lorraine Association Nature). Cela leur permettra de développer l’animation sur leur ferme : d’accueillir des classes découvertes de jeunes publics tout comme de faire faire des suivis de faune et de flore par des professionnels.

Leur espoir est de faciliter les installations maraichères diversifiées et les associations. Car le maraichage est une activité agricole pour laquelle il convient d’être nombreux. Cet espoir va de pair avec celui de voir augmenter une consommation locale et respectueuse du vivant.

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