Un regard décentré de la ferme pour chercher l’émulation
Pour Rémi, la conversion des terres familiales en agriculture biologique était un point de départ obligatoire. Puis il a choisi de reproduire ses semences paysannes et faire évoluer son système vers de plus en plus de diversité, en travaillant avec la nature. Selon lui, il faut retrouver la même complexité qui existe dans la nature dans les systèmes agricoles, pour les rendre plus résilients face aux changements globaux à venir et pour retrouver la fertilité des sols.
Une installation familiale moteur de conversion en bio
Après avoir fait un DUT à Nancy suivi d’une licence professionnelle en agronomie, Rémi a commencé sa vie professionnelle en tant que salarié avec un CDD d’expérimentateur en produits phytosanitaires de 4 mois. Il a ensuite travaillé pour la Fredon (Fédération régionale de lutte et de défense contre les organismes nuisibles).
Ces deux premières expériences professionnelles lui ont permis de savoir ce qu’il ne voulait pas faire.
« Il y a eu un bug. Je me suis dit, là Rémi tu fais fausse route. Ça m’a aidé à ancrer mes convictions. Très vite je voulais être mon propre patron. »
Après avoir lancé un atelier poules pondeuses en poulailler mobile en 2012, il récupère 35ha des terres de la ferme familiale en 2015 et se lance tout seul dans la conversion des terres. C’était soit il reprenait une partie des terres de son père pour les convertir en bio, soit il ne les reprenait pas. Pour lui, la bio c’est vouloir aller plus loin, être curieux, être avancé.
La ferme existait dans la famille depuis trois générations. Au départ ils étaient 4 oncles, puis le père et la mère de Rémi ont repris les terres et se sont agrandis. « Chaque ferme est un contexte, un mélange entre vie de famille et vie professionnelle. » nous raconte Rémi.
Puis ses parents le rejoignent en 2017 en se convertissant de la même manière en bio. Ils créent le GAEC en 2018 sur les 135 ha. C’est la naissance de la ferme Solsi. Les aides à l’époque ayant été plafonnées à 100€ de l’hectare, ce n’est pas un moteur financier qui a poussé Rémi et son père à la bio mais plutôt de fortes convictions. En effet, son père avait déjà envisagé la conversion mais il attendait que son fils s’installe avec lui et en soit le moteur car il s’agit d’apprendre un tout nouveau métier. Ils cultivent du blé, du grand épeautre, du petit épeautre, de l’avoine, de la féverole, du triticale, de l’orge, des lentilles et du sarrasin.
« On a changé de métier. Nous sommes passés de 4 cultures à 10-12 cultures. Nous n’avons pas d’élevage, faire des grandes cultures c’est surtout de la technique. Cela demande beaucoup de précision et de réflexion sur ses choix d’itinéraire cultural. » nous dit Rémi
L’importance de la curiosité et du regard vers l’avenir
Au cours des premières années d’installation on expérimente. Les succès et les échecs rythment nos pas et cela requiert une bonne dose de motivation et d’adaptation. Comme nous dit Rémi, « on apprend davantage de ses erreurs que quand ça fonctionne parce que l’on cherche à comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas. » C’est pourquoi il nous dit aimer le risque. Parfois le manque d’expérience peut être un atout pour oser. Comme lorsqu’il a semé la luzerne en mars malgré le risque de gel. Il essaie aussi de semer du blé précoce en aout pour qu’il ait davantage de réserves pour repartir après l’hiver.
Malgré tout, il garde sa ligne de conduite : la durabilité, qui passe par l’autonomie et le bon-sens.
« La durabilité avec le système traditionnel on l’a perdue, on a mis les sols sous perfusion. On le voit bien (au début de la conversion) car dès qu’on arrête de mettre des engrais, il n’y a plus rien qui pousse. »
Lui n’apporte aucune matière organique extérieure. Il choisit de réduire le travail du sol et de semer des couverts végétaux, deux principes clés pour améliorer la fertilité. Tout comme son choix pour les semences paysannes, « Les semences paysannes c’est du bon sens. » Reproduire ses semences devrait être un réflexe, même s’il reconnait qu’il faut les nettoyer et les trier après et que pour cela, il faut investir dans du matériel. S’installer sur un existant familial lui a facilité les choses.
Pour l’instant, il se fournit toujours en variété de blé haute « type qualité » plutôt qu’en variétés anciennes car cela nécessite un travail manuel du boulanger en aval. Les variétés anciennes ont peu de gluten extensible mais beaucoup de protéines. Leurs qualités nutritives sont donc bien meilleures. « On a besoin de convictions de l’aval, de la demande des consommateurs, pour structurer et orienter la production. » nous dit Rémi.
Il utilise la méthode Bonfils (c’est un souhait, mais pas encore réalisé) qui est adaptée aux semences anciennes et se forme beaucoup à travers les conférences rediffusées en ligne notamment sur la chaine Youtube « Vers de terre production ». Une dynamique conjointe à celle de son père qui se forme beaucoup, notamment à l’agriculture syntropique et à l’agroforesterie.
« On avance beaucoup par le biais de connaissances, des gens qui se forment, puis on échange. » nous dit Rémi. L’agroforesterie fait partie de ses projets. Il prévoit de replanter 5km de haies dans un premier temps.
Une ferme en pleine évolution donc. Mais pas plus vite que la musique ! « Il faut y aller petit à petit et ne pas faire les choses tout seul. Tout cela prend du temps. » nous explique Rémi.
Préparer une association et garder une activité à taille humaine
Prévoyant le départ à la retraite de son père Alain, Rémi envisage d’embaucher et plus tard peut être de s’associer. Il nous fait part de ses appréhensions : « Il faut savoir accorder sa confiance. Avec mon père, on est très pointilleux. » Sa mère joue un rôle important sur la ferme, elle s’occupe de la partie œufs et un peu la partie farine. « Un travail d’ombre essentiel au bon fonctionnement de l’exploitation » nous dit-il.
Il ne rejette pas de nouvelles diversifications bien qu’elles ne fassent pas partie de ses priorités car il s’en sort économiquement avec son système de production actuel.
Même s’il travaille avec la coopérative PROBIOLOR , il cherche à diversifier ses débouchés pour pouvoir garder un peu d’autonomie vis-à-vis de sa production et atteindre ses objectifs agronomiques. « Je travaille à la fois avec une demande nationale et une demande locale » nous dit Rémi. En vente directe, il commercialise ses œufs et la farine. Il produit de la farine de blé, de sarrasin, de petit et de grand épeautre et travaille avec 3 boulangeries et une boulangère en début d’activité. Il travaille à flux tendus pour garder une bonne qualité de farine : 20 kg de farine produite à l’heure soit 200 kg en une nuit. Cette technique de mouture lui permet d’avoir moins d’échauffement et moins d’oxydation avec un rendement de 80% en une seule passe !
Ainsi l’autonomie mise en place sur la ferme lui permet de pouvoir envisager de s’associer et créer des emplois.
Une ferme pilote sur le territoire meusien
L’enjeu est de taille pour Rémi, « J’ai vécu en 5 ans les évènements climatiques que mon père a connu en 30 ans. » Le défi est posé : il va falloir s’adapter. Pour cela, il faut parfois discuter avec les voisins agriculteurs du territoire tout en restant ancré et en gardant ses convictions. Les preuves se feront avec le temps.
« Il faut être entouré par des gens qui t’encouragent plutôt que par ceux qui te mettent des bâtons dans les roues. » Rémi.
« Dans la Meuse il y a quelque chose de perdu, je n’arrive pas à comprendre. Il y a un gros frein ancré, comme un traumatisme. » Rémi.
Rémi s’est aussi installé pour proposer quelque chose d’autre au système grande culture meusien dominant. Il s’inspire beaucoup de ce qu’il se passe sur les autres territoires. Comme dans le Tarn, où 2 frères ont inventé une meule striée pour valoriser leurs céréales et produire une farine de qualité. Une technique que Rémi a choisi d’adopter, ce qui lui permet d’avoir un produit avec une bonne qualité de mouture mais aussi une bonne qualité gustative.
En termes d’engagements annexes, Rémi a choisi de s’impliquer dans le conseil municipal de Béthelainville pour pouvoir exprimer ses idées et pour participer à revitaliser le territoire.
L’un de ses rêves est de pouvoir créer un lieu collectif agricole afin d’offrir l’opportunité de créer du lien sur le territoire; notamment avec la musique à laquelle fait référence le nom de la ferme « Solsi » composée de 2 notes musicales. « Sol c’est aussi parce que c’est le sol qui est au centre de mon système. » nous explique Rémi.
Je crois que c’est par l’exemple qu’on pourra faire évoluer les mentalités et autour d’un bon pain que l’on peut créer du lien ! Rémi
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